En exergue de cette
planche, je ferai référence à une vieille légende hindoue qui prétend qu’il fût
un temps où les hommes étaient des dieux.
Ayant abusé de leur pouvoir divin, le Dieu des dieux décida de le leur
ôter et de le cacher à un endroit où il serait impossible de le retrouver. Il
songea à l’enterrer profondément en terre, à l’immerger u fond des océans, mais, à mûre réflexion, il reconnut qu’il ne
savait pas où le cacher car l’homme finirait par explorer les lieux existant
sur terre et dans les océans. Alors, il décida de le cacher au plus profond de
l’être humain car, se dit-il, c’est le seul endroit où l’homme ne pensera
jamais aller le chercher. Et depuis, l’homme a fait le tour de la terre, il a
exploré, escaladé et creusé à la recherche de quelque chose qui se trouve en
lui.
Par nos 5 sens : toucher, vue, ouie, odorat, goût, notre corps est
en prise directe avec le monde mais celui-ci ne prend forme et sens pour nous
que pour autant que notre conscience s’y intéresse et ce à travers le langage
qui permet de nommer et désigner chacune des formes perçues ou vécues.
Autrement dit, la conscience est subordonnée pour chacun de nous à l’existence
des instruments de perception que sont nos sens, donc notre corps, et une
tension intéressée de notre conscience vers la connaissance du monde,
connaissance médiatisée par la langue et la grammaire.
Donc nos sens sont tendus vers un objet x à qui notre curiosité
intéressée va donner existence Toutefois si ma conscience se prend elle-même
pour objet de curiosité, je sais ce que je sais mais je ne sais pas quoi sait,
alors les choses se compliquent. Suivant les phénoménologues, « la conscience est toujours conscience
de quelque chose ». Quand la conscience se prend pour objet, je prends
conscience d’une « connaissance » qui échappe à toute nomination, à
toute formalisation, conscience d’un savoir qui ne se sait pas, qui, à vouloir
se saisir et prendre forme, échoue à créer des mythes et des connaissances
chimériques. Dès lors, ces connaissances, dites souvent inspirées ou révélées,
loin d’être des vérités, ne seraient en quelque sorte que les index désignant
ces lieux-non lieux de la connaissance vraie, de la Lumière spirituelle pure
que notre conscience ne pourrait appréhender que sous forme relative ( du verbe
relater), mythique, de même que toute perception visuelle ne peut exister que
sous la forme que permet le jeu de la lumière et de l’ombre. Notre vue est en
effet inapte à percevoir une quelconque forme sous la pleine lumière.
Si par les sens, la raison et le langage, nous ne pouvons accéder à la
Vérité suprême, à la Connaissance essentielle, alors que nous reste-t-il pour
en avoir une idée, sinon ce sens particulier qu’est l’intuition ?
Bernard Doulet