Entre l’organisation totalitaire de type militaire et l’organisation « au pied levé » de type horizontal, il y a la place sans doute pour un entre lac, entre terre ferme et marécage.
D’un côté le devoir fait loi, de l’autre le désir est maître.
A mon sens, ce sont là deux extrêmes, impropres aux soins délicats, tout en dentelle, des désordres psychiques qu’ils soient aigus ou chroniques.
Le cadre des soins doit allier la solidité et la souplesse, la fermeté et la douceur. La solidité, la fermeté supposent la cohésion (qui n’est pas synonyme de consensus) d’une équipe, la souplesse suppose la capacité d’adaptation de chaque soignant à la subjectivité du patient, à son vécu.
L’alliance thérapeutique a besoin d’un tel cadre pour s’épanouir et durer dans le temps. Croire qu’une émotion partagée entre un soignant et un patient suffit pour bâtir, au sens de poser les fondations, cette alliance, est un leurre qui rejoint très vite le caprice, même s’il s’origine d’un désir franc et sincère.
L’alliance thérapeutique établie ne s’arrête pas à l’espace temps de l’accueil, pas plus qu’à la porte du service quand le patient le quitte. Elle se poursuit à travers l’accompagnement plus ou moins cadrant, porteur, anticipatif, du patient dans son retour à son cadre de vie ordinaire, ou bien à son entrée dans une maison de repos, de retraite, de famille d’accueil ou de lieu de vie,…L’alliance thérapeutique soignant-soigné, loin de se refermer sur elle-même, appelle l’ouverture à l’entourage habituel du patient, mais aussi aux éventuels nouveaux partenaires individuels ou institutionnels. C’est un travail de longue haleine et qu’on pourrait imager par les cercles ondulatoires qui se forment à la surface de l’eau au contact de la percussion d’un objet lourd, des ondes de choc qui entraînent une résonance centrifuge. La souplesse de l’alliance thérapeutique correspond au fait de laisser s’établir ces résonances, cet élargissement : Monsieur X et Madame Y ne sont plus les patients de tel ou tel soignant, bien même aurait-il été à l’origine d’un transfert thérapeutique.
L’alliance thérapeutique n’est pas le transfert mais la relation établie, suffisamment bonne et solide pour supporter, intégrer de nouveaux liens relationnels, ceux-ci n’étant jamais exclusifs de ceux déjà établis.
La reconnaissance du transfert, la volonté de l’utiliser de façon thérapeutique a conduit historiquement à élaborer les concepts d’accompagnant, et plus récemment de référent. Le piège contre-transférentiel, quand le cadre institutionnel est défaillant ou dis fonctionnel, c’est l’enfermement possessif, qui s’énonce de cette façon là : « celui-ci est mon patient » ou bien « je ne veux rien en savoir, c’est ton patient ».
Est-à dire que pour éviter ce piège il suffirait de privilégier à tout va, le désir ( « désir de désir de l’autre » avec sa connotation d’absolu), et que chacun suive sa chacune, je veux dire son patient sans tenir compte du tiers institutionnel, des répercussions ondulatoires centrifuges de la relation ? Ne serait-ce pas s’exposer au surgissement d’une myriade d’atomes libres voguant au gré des caprices, des vents et des courants profonds ? Une attache solide n’est-elle pas nécessaire pour que la mayonnaise prenne et la relation transférentielle fasse histoire et sens pour sortir de l’a-liénation?
Au fait, une institution, c’est quoi ? Est-ce de l’état, de l’établi bien réglé et cimenté (sédimenté), ou bien un organisme vivant en perpétuelle création, un système ouvert répondant à certaines fonctions spécifiques, différentes selon qu’il s’agit d’une institution de soins à temps complet (l’intrahospitalier), ou une institution à temps partiel (H.de J., CMP, Appartements Thérapeutiques,…), une institution à vocation médiatrice, telle qu’elle se constitue quand sa vocation est de soutenir et maintenir ouverte l’alliance thérapeutique dans ses pérégrinations temporelles et spatiales ?
Que chacun trouve en lui sa réponse. Juillet 2001, Dr Bernard DOULET
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