Poésies Marc

 

Monde en creux de l’imagination sans bouche

Le poème des mots retenus menacé par un cri


Speculum


Terre lourde et fragile
Aux plis de neige
Aux cils de fleurs
De ton chaos - ouverture de poussières -
Une plante est née
Avec des miroirs pour feuilles
Et la mort pour racine

*
J'ai planté un arbre à  l'envers pour étouffer ses fruits
Mais les pommes fleurirent sous terre



Nul demeure


C'est l'hiver,
l'oiseau - son cri dans les plumes -
donne plus de chaleur l'arbre nu.
L'accent du silence roulé par la pierre
prend forme de neige.
Le vent ne cherche pas
le murmure des feuilles qu'il aime tant
et le rire devenu rare
n'ose plus son éclat.
Un demeurant pourrait croire à la fin du monde
mais ici, peu ou prou, tout le monde passe et sait.
L'hiver le printemps
si distants
l'autre bout se touchent.

***

Flèche empannée de l'hirondelle
Loin des vaines prémonitions humaines
Ton être tendu vers l'a-venir.





Grise asphyxie

Le gris n'a plus à disputer l'espace. (Asphyxie sans partage).
Loin de lui l'origine de granit. Les ancêtres

lézardes n'ont demeure en son sein.
Plante: tu souffres de ton règne amoindri.
Homme: tu oublies tes liens de sève.
Méfie-toi!, - tout souvenir n'est pas présence palpable.
- On entend au loin le rire d'une pierre prise au piège.

***

Plantons l'homme
Dans la fertilité d'un sol volcanique
                                                   Et jugeons de chaque nouvelle pousse


Parti pris


Présence du périssable moindre bruit.
Présences éclates dans le multiple.
Chaque parcelle de terra a sa charge de vie.
Tandis que nos regards - sous l'œil des mots –

couvrent vainement une stabilité factice.
Attache-toi à ce qui ne dure,
faut de quoi
tu risques d'aimer cette vie fiévreuse
avec retenue.

***

L'art de fragmenter
T'as beau t'y coller
La vie souterraine est en avance sur toi

 

 

A distance des eaux troubles

Eau calme eau plate
c'est le soleil qui te dessine
la roche ou l'arbre qui te colorent.
Ton cadre de boue n'a pas force de frontière
il se mêle parfois ou s'écarte franchement.
Une pierre jetée est un soleil
la rousseur de l'automne est ta palette.
Dans un monde inquiet ta patience
rend chacun de nous deux fois plus présent.

***


 

Le lac ne couvait pas le dessein de croître au-delà

 de ses fleuves
Les nuages attenants firent en sorte




Alliance matinale


L'aube
venue dans le soupir d'une ombre
perce par son chant
l'arbre qui la voit naître.
Tandis qu'ainsi s'annonce
la déchirure du jour
l'aurore les bruits encore
embus de silence
heurte la fenêtre
et retourne à ses sources.
J'ignore tout pour l'instant
- les paupières prisent aux rêves -
d'ailleurs je ne suis pas là,
mais de l'autre côté.
Le chant poursuit l'assaut,
mobilise les forces du givre de la rosée
des baves et des sauts.
L'alliance matinale touche à sa fin.
L'œil n'est déjà plus dans un monde unique.
La dispersions s'active
l'angoisse se fixe - il est temps d'exister.
Temps d'oser dire: c'est moi.
Dire c'est moi malgré les signes qui s'opposent.
Et les paupières s'ouvrent
Comme deux parenthèses -
posées sur le jour.


***

Surmonté
Le désespoir d'être né
Motivait nos pas




Exercice d'assouplissement


Plier sa vie jusqu'au relief des mots,
déplier son regard - aplanir les montagnes.
L'imagination est au bout des coudes.

***

Attends mon cri -
L'espace qu'il libère

Horizon des mains


Au-del du regard,
tes yeux bien sûr
ta bouche aussi
se ferment et laissent
au témoignage sourd
de ta main gravide
un espace élargi.

***

Cri silencieux de la bouche aux cinq lèvres


Tannage des idéaux


A hauteur de poème tout est plat.
Les fracas d'aujourd'hui perdent bruits et effets.
Nul mort ne saigne. Une douleur aiguë a
ses refuges de silence, ses cris muets.
Dieu mort d'autres ombres ont suivi ou suivront
encore. Le ciel en friche personne n'a le cœur à glaner.
La menace -
un cri si fort -
a brisé sa source.
Partout les grelots de l'indifférence.
La terre utile perdit sa beauté comme l'eut fait
tout poème.

***

Et la rose est pareil de l'eau en pétale aux épines de sel


Douleur du dehors


Le monde s'élargit sans s'ouvrir.
On a beau l'avoir étiré au-delà d'une lune
exsangue
l'espace offert est aussitôt rempli.
L'homme partout, partout l'homme,
L'index pointé au-delà de l'ongle
mais les mains couvertes - de gant de fer de
velours
perdent inexorablement contact.

***

Il écrit avec son sang -
avec parcimonie



Vers une nouvelle définition


Toi dont le pas esquive
Sans mépris
Les beautés fragiles
Les laideurs ancrées
Tu sais l'homme à réinventer -
Sous l'aube de mots belliqueux.

***

Prends un mot au hasard
Et trouve la brèche de son éclat



Entre cendre et feu


Témoin de vie
Remonté de cendres attisées
La poussière alliée
Le soleil bénit -
Autour tout s'agrandit
Sous un jour simplifié.

***

Aime l'eau
Pour ce qu'elle trouble.
Et l'oiseau
le cri dans son cercle.




Hygiène du dedans


Savon intérieur
Brosse à conscience
Gomme à idées.
Démasclage total de l’écorce interne.
Vaines précautions:
Sali par les cris retenus!

***

Il a ses esquisses
Peut-être même
N'a-t-il qu'elles





De l'autre côté


L'action se voile.
La voix muette prend son élan discret.
Le monde entre dans une noix.
Les arbres - aux racines interdites – tiennent à la
verticale
Les montagnes n'ont pas besoin de se plier dans le
lac
(comme lorsque le soleil les juge)
L'horizon tient sur son centre
Sans disparaître, - sauf si une femme s'approche,
là tout s'arrête
et recommence plus bas.

***

N'adhère pas au monde fini des preuves.



Gravité


Malheur à toi, si le cri que tu lances
te retombe dessus
et te tire comme une ancre
vers le sable de l'eau.
Briser ses attaches
ne va pas sans blessures.
Et si le sang le sel
te rongent avant la plaie
ou si tu trembles trop
la mer te jettera
comme l'une de ses vagues.

***

Ne livre de toi
Seul ce que tu te savais
Capable de retenir.




Sourde inquiétude


Le ciel s'est rabattu -
Dans la chambre restreinte des hommes
Un nouvel écho se libre pour les cris.
Jamais la nuit ne fut si violente
Tant les toiles sont discrètes
Les bruits fuyants
La peur secrète.
Les regards dont le feu se refuse
Perdent l'autre qui alimente,
Le poète ou l'ami.
Il fait mal vivre
Et les plis de nos êtres n'aident pas
A tenir debout.

***

Tu connais le désert
Pour l'avoir engraissé




L'enfant du littoral


Ne nous apitoyons pas
sur cet enfant du littoral
au lit toujours instable
au regard prématuré
et qui plie dans ses gestes
la salve d'une vie à venir
Il saura ciller
le temps venu
et dispenser plus large
que nous n'aurions pu l'espérer.

***

La poésie est le détour nécessaire et suffisant pour
approcher le réel





Nuit réparatrice


La rumeur du jour persiste
Entame au-delà de sa nuit -
Tu t'inquiètes -
Non des violences insomniaques
Mais des bouts de rêves
Qui te sont ôtés.

***

Lorsque les yeux clos tu refuses
La facilité d'une nuit réparatrice les draps
oublieux du sommeil:
Fixe sur ta vie un destin grandissant.




Pieds et poings liés


Tout en lui est lié, tenu
Par des mains inconnues
Crispées et fortes
Des fils d'aciers retors.
Il sait son être solidement un
Mais alors:
Qu'adviendra-t-il de lui
une fois ces poings -
fourrés de révolte -
défaits?

***

Ton poing serré -
Le monde qui s'y étouffe.

 

 


89
Quelques taupes guidées
Par le sang des pattes
Dégorgent la boue
A fine pelure
Elargissent ainsi le tunnel de l'espoir
Tandis qu'au-dessus
Sous un soleil d'hiver
Quelques rats armés
Rient du grand malheur
Et semblent nombreux
Dans l'écho du Mur. -

***

Pas de cris de hasard.
Des cris de circonstances
Non atténués.



Ici et maintenant sont maigres
Sans être pauvres
Nous sommes plus d'un à y mêler nos cris.



La mer en moi s'est retirée
Dans une ultime marée
Et voilà que les cris qu'elle savait étouffé
Sous ses algues bleues
Reviennent comme la rosée:

Dans le plis de ton être
Les cris retenus
T'aident
A tenir debout
Face à l'angoisse de la joie d'exister.

Les persiennes de l'homme
sont faites de nuit
Et l'étoile de nuit
n'est que son cri défait

Tu respirais l'absence du manque
Ta beauté expansée
Comblait aux confins de mon être
Les vides les plus tenaces
Pourtant
Toi aussi tu couvais ton lot de cris.

Tu retiens trop en toi
Le monde parfois
S'y tient à l'étroit
Tant l'imaginaire gouverne.

Prends acte du chaos.
Debout face à l'infini qui s'offre.
Mêles y ton grain de sel.



Ne me fixe pas pour apprendre à me connaître
Va à ta manière
Sans se suivre
Nous tracerons un même chemin
Loin des bornes indifférentes.

Tu te retournes, derrière: non pas ton passé
Mais un amas de cris perdus - épars.

Tout avait l'air normal
Mais alors tu grandis
Aucun objet ne trouva plus
Dans l'haleine de tes yeux
L'apaisant reflet juvénile.

Le tison de la vie tragique n'est plus alimenté par
le souffle circonstanciel. Le poème perd de son

Prestige à chercher dans la pelure des mots
l'acidité qu'un fruit aujourd'hui trop mûr n'offre
plus.

Bâtir sur un éclair
Ce sol instable mais fertile
Sa sourde déchirure

L'instant qui s'est éteint sans avoir été contraint
A libérer tout de lui
Est tombé en mains pauvres
et non méritantes

Il est un cri silencieux
qui n'a de voix que pour l'oreille qu'on appelle
œil:
Celui de la bouche aux cinq lèvres.

 





Affluents
Arthur Rimbaud - nuage chargé d'étincelles. Il
fallait te nommer.

René Char - tes poèmes prémarchés facilitent la
digestion sans augmenter la faim.

Nous voulions peindre, sans toile, ni pinceau car il
ne s'agissait pas de créer mais d'esquisser. Pour
cela la réalité suffisait.
Les femmes sont proches du poème par les traces
qu'elles donnent et les preuves qu'elles retirent.

On souffre pour cette terre d'hiver
qui casse sous nos pas lourds.

Fragile comme un verre
te briser plutôt que de te voir empli d'une autre
eau.



Distance onirique


Une fille passe
inconnue hors des rêves,
mais les yeux aux racines nocturnes
s'approchent
s'approchent encore
au point de la toucher
"Trop près!" - ce n'est déjà plus elle.





Beauté respirable


L'arbre coupé
Libère un vide vertical
Porteur d'air.
Sous la goutte de pluie une graine.
Un mort même
comme un arbre planté sous terre.
Une rose perce
éclate l'air de ses pétales.
Le nuage crevé dans sa menace - foudre ou eau.
Volcan des yeux à effusion de souffre.
Un homme dressé dans le sable chaud invente un
nouveau dieu.
Dans le lit défait un cheveu étranger prolonge la
caresse.
Une belle femme, - belle à briser.
Un soleil qui meurt au rythme des ombres.
L'instant qu'on veut éternel et qui l'est.
Un sourire: cicatrice d'enfant ouverte par les
dents.
Les cris interdisent à la mort son passage.
La solitude qui par politesse n'invite qu'une
personne à la fois.
Les mots qui vont - dans leur refus - jusqu'à dire
le silence.
Une porte qu'on croyait fermée. Une fenêtre
qui ne peut l'être.
Une poussière d'étoile qui chuchote.
Des bras qui s'ouvrent dont l'ombre est une croix.
L'éternel péissable.
Un souffle confondu au baiser.
Une larme.
Un rire.
Un mot.


Et demain
quel monde s'ouvrira?





Dedans


L'action se voile
La voix muette prend son élan discret

Le monde entre dans une noix
Les arbres - aux racines interdites – tiennent à la

verticale
Les montagnes n'ont pas besoin de se plier dans le
lac
(comme lorsque le soleil les juge)
L'horizon tient sur son centre
Sans disparaître, - sauf si une femme s'approche,
là tout s'arrête

et recommence plus bas