Etrange sourire d’un champ de blé

 

Pour qui cherche à savoir

L’énigme d’un sourire,

Je lui dirai d’avoir

Lorsque l’été expire

D’un champ de blé l’image

Qui jaunit avec l’âge.

 

Une mâle main d’homme

Sur des cheveux d’enfant :

Geste du paysan

Semant le grain l’automne.

 

Son sourire est amour,

Sa fatigue est espoir

Car il n’est point de jour

Qui n’ait pas eu de soir.

 

La poire mordorée

Au soleil a fondu ;

L’oiseau s’est envolé

Quand l’hiver est venu ;

Le vieillard qui boitait

Au terroir fut rendu.

 

Le chant de blé l’été

Crache des jets dorés,

Sous la brasse des jours

De ses épis craqués.

Mais un terrain sevré

Exige le labour.

 

Mon sourire est le même

Qu’il se nomme tristesse

Ou qu’il ait joie pour thème,

Il n’a pas d’allégresse.

 

Et si ma main se tend

Vers une plus petite,

Songe un instant au vent

Qui en pliant leur tige

Fait courber les roseaux

Jusque aux flancs de l’eau.

 

Veux-tu ,ange, te taire

Et près de moi respire

La fraîcheur du ruisseau

Car l’eau est sans mystère

Et tu serais martyre

De juger que la pluie

Représente un ennui,

Pas plus que mon sourire

Chante ou pleure le pire.

 

B ; Doulet , août 1967